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Test The Book of Unwritten Tales

The Book of Unwritten Tales — Traduction : Le Livre des Histoires Parodiées Trop Long

« Dwarves have this thing for the number seven. »


I. Des elfes, des hobbits et un McGuffin de compétition

Voici donc The Book of Unwritten Tales, Point & Click allemand — pléonasme digne de figurer dans Le Robert — mais cette fois boosté aux stéroïdes du budget, des ambitions et du savoir-faire. Pas un petit jeu de salon de coiffure pixelisé, non, un VRAI jeu. Avec des cinématiques. Des doublages. De l’humour. Et même un scénario.

Tout commence, comme il se doit, par un vieux savant enlevé. Il s’appelle MacGuffin. Subtilité. Il est gremlin, vieux, savant, kidnappé par un méchant qui veut un artefact. Voilà. On pourrait s’arrêter là. Mais non, car autour de ce prétexte digne d’un épisode de Scooby-Doo, va se tisser une fresque fantasy délirante, moqueuse, référencée jusqu’à la moelle.
Tolkien, Lovecraft, Monkey Island, Star Wars, World of Warcraft, Final Fantasy, tout y passe. Le jeu est une fête foraine pop, une orgie de clins d’œil et de second degré.

II. Quatre héros pour un artefact

La force du titre, c’est son casting. Un vrai quatuor de losers magnifiques, de parodies ambulantes, de caricatures affectueuses.

  • Wilbur, petit gnome hobbit aux oreilles en forme de frustration sociale, veut devenir magicien. Mais il est du mauvais peuple. Alors il triche, il ment, il rushe son destin comme un employé à l’entretien annuel.

  • Ivo, elfe aussi belle qu’inutile, obligée d’incarner l’élégance dans un monde de pets et de dragons myopes. Elle est flanquée d’un oiseau sarcastique, Tschiep-Tschiep, qui est à l’élégance ce que Jean-Marie Bigard est à l’opéra.

  • Nate, escroc, dragueur, aventurier de brocante, sorte de Nathan Drake qui aurait échoué toutes ses compétences sociales. Il est accompagné de Critter, son acolyte rose fluo, muet, difforme, et étrangement attachant comme un chewing-gum fondu sur un siège de bus.

Plus tard, tout ce petit monde va coopérer, s’échanger des objets, des vannes et des moqueries. Le gameplay devient alors plus malin, les énigmes se corsent (juste ce qu’il faut), et on sent que les développeurs ont bossé. Pour une fois.

III. Un univers bariolé, un humour mitraillette

Visuellement, c’est de la 3D bien fichue, avec des décors touffus, un style cartoon affirmé, une vraie DA qui évite le piège du moche fonctionnel.
On commence dans des bois verdoyants, on finit dans des repaires maléfiques tentaculaires : c’est un peu Le Seigneur des Anneaux, mais passé dans une lessiveuse de clowneries allemandes.

L’humour, parlons-en : il est partout. Dans les dialogues, dans les objets, dans les noms, dans les décors. Ça vise large, ça tape parfois à côté, mais souvent en plein cœur.
La parodie devient parfois le seul carburant narratif. Ça fatigue un peu sur la durée. C’est comme si tous les personnages avaient été écrits par un ado qui vient de finir une intégrale de Kaamelott sous protoxyde d’azote.

Capture d'écran The Book of Unwritten Tales conversation entre Ivo et la momie


Mais il y a des pépites :

  • Un paladin maniéré qui ferait passer la Castafiore pour un bûcheron.

  • Un dragon féminin qui n’arrive pas à faire peur.

  • Une momie sénile qui confond ses bandelettes avec des recettes de cookies.

  • Une orc vengeresse plus concernée par le fait de capturer Nate que par le mal.

C’est fou, débile, vivant.

IV. Une épopée… interminable ?

Le jeu est LONG. Vingt heures. C’est énorme pour un Point & Click. Et même si l’écriture est bonne, même si l’univers est généreux, on commence parfois à crier à l’aide vers la treizième heure, quand la vingtième blague sur Gandalf s’annonce comme une mauvaise gastro.

Mais il se passe toujours quelque chose.

  • Wilbur devient magicien. Par la ruse, évidemment.

  • Nate bat son ennemie jurée Ma’Zaz dans un duel de prestidigitation de pacotille. Par la triche. Bien sûr.

  • Ivo pourchasse l’artefact au prix de sa dignité elfique.
    Et pendant ce temps-là, Critter continue d’être… Critter. Une sorte de mascotte de dépression bipolaire intergalactique.

V. L’amour du genre, la langue de Goethe, et Ghylard le Magnifique

The Book of Unwritten Tales est une déclaration d’amour. À la fantasy. Au jeu vidéo. Au Point & Click. À LucasArts, bien sûr. Mais aussi à tout ce qui a fait les grandes heures du genre : les dialogues à choix, les énigmes cohérentes, le plaisir de cliquer partout, la joie de rater, de comprendre, de recommencer.

Seule ombre au tableau : le jeu n’est disponible qu’en anglais ou en allemand, ce qui aurait pu en faire fuir plus d’un. Heureusement, Ghylard, grand druide du patch non-officiel, est encore intervenu — armé de son clavier béni — pour pondre une traduction française de qualité, aujourd’hui trouvable grâce à la sainte chapelle du click & verbe, Planète Aventure.
Sans eux, nous errerions encore dans les menus, hurlant à la lune : “Was ist das für ein Scheiß?”

VI. La bibliothèque des clins d’œil

The Book of Unwritten Tales est plus qu’un jeu : c’est un coffre au trésor, un musée, une blague trop longue mais qu’on n’a pas envie d’interrompre.
C’est un peu comme un pot de Nutella de 5 kg : t’en veux trop, tu t’en veux d’en avoir trop voulu, tu finis écœuré… mais heureux.


Verdict : 8.5/10

The Book of Unwritten Tales est sans doute l’un des meilleurs Point & Click de l’ère moderne. Oui, c’est long. Oui, c’est parfois lourd. Mais c’est drôle, inventif, généreux, soigné. Il ne révolutionne rien, mais il rend hommage à tout avec brio.
Il est une bibliothèque de clins d’œil, un manège geek, un jeu doudou pour ceux qui croient encore que l’aventure commence avec une loupe et un inventaire trop plein.
Et pour ça, il mérite notre respect. Et notre clic gauche.

« Not the greasy hair ! »

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