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Metal Gear Solid – Tragédie Greco-Cartonesque en Quatorze Bits Mineurs
“Alors, la bleusaille, tu sais tirer ?”
Prologue
Cette réplique, aussi subtile qu’un rot dans une cathédrale, t’accueille dans l’univers de Metal Gear Solid (1998, PS1) avec la tendresse d’un vétéran alcoolisé dans un PMU surréaliste. Tu es Solid Snake, clone en bandana, taillé dans la viande des mythes modernes, parachuté au nord du monde pour affronter des méchas, des fantômes, et tes propres chromosomes. C’est un opéra de plastique, une telenovela militaire, un jeu où même le carton a une vie intérieure. C’est signé Hideo Kojima, architecte de l’absurde sacré, et habillé par Yoji Shinkawa, tailleur officiel des ombres viriles.
C’est un chef-d'œuvre. Et pourtant, ce n’est pas mon préféré.
I. Kojima avant Kojima : Archéologie d’un fou en devenir
Avant d’être le Messie du pixel politique, Kojima n’était qu’un prophète errant, un Japonais trop malin pour le monde et trop bavard pour les consoles de l’époque. Metal Gear (1987) et sa suite sur MSX étaient déjà des ballets d’infiltration, mais cachés sous une nappe d’illisibilité linguistique. MGS en est le reboot : même style d’histoire, mais boostée aux hormones polygonales et nourrie au VHS tiède.
Dès le menu, le jeu te prend par la main et t’injecte un résumé des épisodes précédents, comme un dealer didactique. Puis viennent les briefings facultatifs, ces cassettes où Campbell parle comme un général qui aurait lu Sun Tzu dans une station-service. C’est verbeux. C’est dense. C’est une tempête de mots dans une tasse de codec. Et c’est absolument génial.
II. Théâtre d’ombres et tragédie méchanique
MGS, c’est du Shakespeare cybernétique en kit plastique. Chaque boss est un monologue en costume, chaque mort une confession qui pue le tragique antique et le shampooing bon marché. Psycho Mantis te sonde la mémoire comme un psy en cosplay ; Sniper Wolf meurt en vers blancs sous la neige ; Gray Fox, ninja spectral sous LSD, récite Nietzsche pour les nuls entre deux moulinets.
Et Liquid Snake… Ah, Liquid. Un Bowie musclé, un jumeau vénère, un illuminé blond qui crie “Frèèèèèèère” comme si Oedipe avait couché avec son miroir. Il pilote un Metal Gear comme d’autres font du cheval, avec panache, et sans caleçon.
Tout cela est mis en scène avec une emphase qui ferait rougir Wagner. Kojima ne dirige pas un jeu, il orchestre une liturgie. Chaque cutscene est une procession. Chaque plan est un vitrail de pixels.
III. Carton, libido et infiltration en dentelle
Jouabilité ? Un mot trop laid pour MGS. Ici, on parle de chorégraphie. Tu rampes avec l’élégance d’un vers dans un cercueil. Tu tapes contre les murs pour séduire des soldats myopes. Tu poses des mines, tu glisses sur du pipi, tu te caches sous un carton comme Diogène dans son amphore, sauf que lui n’avait pas de mitrailleuse.
Et parfois, le jeu te dit :
“Snake, change le port de la manette.” Et toi, doux esclave du génie, tu obéis. Tu changes de port. Tu changes de vie.
Le codec est une invention divine. C’est WhatsApp pour soldats mélancoliques. Campbell parle comme un oncle bourré, Mei Ling te cite des poèmes chinois avant la sauvegarde, et Naomi insinue des choses salaces entre deux discours sur les gènes. Otacon, quant à lui, bande sur des filles armées et pisse dans son froc comme un futur incel romantique.
IV. Polygones et pixels : esthétique de la bouillie sublime
Les graphismes de la PS1 ressemblent à un Picasso oublié sous la pluie. Pas de visages, juste des masques abstraits. Et pourtant, chaque regard te perce. Shadow Moses est un temple de béton et de froid, une prison post-industrielle décorée par Lovecraft et Ikea. Et Rex, le Metal Gear, c’est une sculpture brutale, mi-crabe mi-tank, qui te hurle dessus comme un dieu antique déçu par l’humanité.
C’est moche. Mais c’est la beauté pure de l’époque : celle de l’imaginaire, pas du rendu. Une esthétique VHS où chaque cutscene granuleuse est une œuvre d’art frémissante.
V. Twin Snakes ou le massacre stylisé d’un chef-d’œuvre
En 2004, un remake sort : The Twin Snakes. Imagine Metal Gear réalisé par un fan de John Woo cocaïné. Snake y fait des saltos sur des missiles. Les cinématiques sont des clips de Linkin Park. Le gameplay est modernisé, certes, mais à coup de pelleteuse. Tir à la première personne ? Oui. Mais dans des niveaux pensés pour une caméra fixe. C’est comme mettre du caviar sur des chips : insultant, et vaguement excitant.
Reste la VO. Hayter grogne comme s’il avait couché avec le gouffre existentiel. Un régal. La version japonaise ? Une hérésie. Kojima pense, rêve et pleure en anglais. Deal with it.
VI. VF : la voix du garage
La version française, elle, est une vengeance divine. Un châtiment pour les paresseux. On croirait entendre le casting de Hélène et les Garçons en pleine guerre nucléaire. Mauvaises traductions, acteurs qui surjouent chaque ligne de texte… C’est à pleurer de honte. Ou de rire, selon ton niveau d’alcoolémie.
VII. Pourquoi c’est une pépite nucléaire
Parce que Metal Gear Solid est plus qu’un jeu. C’est une énigme lacanienne déguisée en blockbuster. Une expérience sensorielle et mentale, où l’on infiltre non pas une base, mais une idée : celle que le jeu vidéo peut tout être. Drôle, tragique, vulgaire, poétique. C’est une déclaration d’amour au médium, livrée sous forme de thriller où chaque boss est un chapitre, chaque dialogue un aphorisme, chaque carton un manifeste.
Verdict : 9/10 en VO. 8/10 en VF. Un orgasme narratif sous cellophane gris.
Snake, tu n’es pas qu’un clone. Tu es une cicatrice qui parle.
“Tu veux qu’on se tire l’oreille ?!”
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