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Another Code : R - Les Portes de la Mémoire – Ashley au bord du lac, Nintendo au bord du gouffre
“Voir Matthew comme ça me rappelle tellement D.”
I. Wii comme Wistful Ineptitude
Il y a des promesses qu’on ne devrait pas tenir. Par exemple,
dire « On va faire une suite ». Ou pire : « On va la faire sur Wii
».
La DS, c’était l’intimité du toucher, le secret du
frottis narratif, le journal de deuil que l’on gribouille avec une
plume trempée dans le thé noir et les larmes de papa.
La Wii ?
C’est un rapport sexuel sous anesthésie locale. Un doigt dans
l’air. Un stylet sans friction. Une glissade sur plastique froid.
Comme dirait François Pignon : après la petite lucarne, le grand
écran. Et comme dirait un tétraplégique : « Merci, mais j’étais
mieux avant. »
Le charme tactile du premier Another Code
s’évapore ici dans un bain tiède d’ennui méthodique, comme un
pet de médium dans un ascenseur administratif.
II. Ashley au camping, ou les souvenirs en short
Deux ans ont passé. Ashley a mué. Fini la gamine
gothico-technoïde en jean slim, place à la jeune adolescente, aussi
prête pour résoudre les mystères familiaux que pour allumer un
barbecue au bord du lac.
Nous quittons l’île sanglotante de
Blood Edward pour un complexe touristique nippon surgelé dans
l’ambiance d’un Club Dorothée endormi.
Barrages hydroélectriques, chemins forestiers, musées en ruine, pontons en bois moulu… On dirait Myst, mais en pantacourt.
Ashley revient, donc, plus jolie, plus grande, plus sarcastique. Mais derrière son nouveau brushing bat toujours le même cœur meurtri. Elle cherche à comprendre pourquoi sa mère est morte, pourquoi son père ne parle jamais de rien, pourquoi les gens l’abandonnent, et pourquoi Nintendo s’acharne à lui foutre des ados aux prénoms génériques dans les pattes.
III. Matthew, D dans un monde sans magie
Alors il y a Matthew.
Matthew, ce n’est pas un prénom,
c’est un bruit d’ascenseur entre deux étages. Il n’est pas
fantôme, juste insipide. Un D sans l’étrangeté. Un garçon
triste comme un gel hydroalcoolique vide.
Il traîne avec Ashley
dans ce parc naturel dépressif, comme une appli mobile qui t’oblige
à activer le Bluetooth sans jamais en justifier l’utilité.
Il commente. Il soupire. Il attend.
On ne l’aime pas.
On
ne le déteste même pas.
Il est là, comme un verre de flotte
oublié dans un Airbnb.
IV. Le fantôme du gameplay passé
Les énigmes sont là. Techniques. Sympathiques. Déjà vues.
Sur
DS, tu les vivais du bout des doigts.
Sur Wii, tu les subis
comme une IRM du foie à jeun.
La Wiimote mime des gestes qui n’existent pas. Elle remplace
l’élan par le doute, le souffle par le soupir.
Un miroir à
tourner ? Tu trembles.
Un levier à actionner ? Tu hurles.
Un
interrupteur ? Tu pleures.
Le gameplay devient gesticulatoire, rigide, comme un ballet de
vieux dans une salle de taï-chi sans chauffage.
Et
l’enchaînement des zones — si lent, si mou — t’évoque ces
trajets en bus de camping scolaire où personne ne parle sauf le
chauffeur qui veut te raconter son divorce.
V. La mémoire, encore et toujours
C’est le cœur du jeu, encore : la mémoire. Les souvenirs.
L’héritage génétique d’un trauma jamais digéré.
Ashley
ouvre les portes du passé comme d’autres ouvrent des boîtes de
sardines : avec méfiance, un ongle cassé, et l’éternelle
question « Pourquoi ça pue déjà ? »
L’histoire avance par strates : dialogues mous, flash-backs
sépia, fragments de souvenirs insérés comme des suppositoires dans
un conte soporifique.
C’est noble. C’est sincère.
Mais
c’est long.
Putain que c’est long.
Et pas long comme
une pièce de Bergman. Long comme un repas de famille où Mamie
ressasse l’enterrement du chien.
VI. Les lieux, ou la promenade du Prozac
Visuellement, c’est joli. Enfin, propre. Enfin, acceptable.
Des
bois, des lacs, des cabanes. Des couleurs pastels comme un PowerPoint
sur la gestion de l’anxiété.
Mais rien ne vibre.
Rien
ne tremble.
On visite ces lieux comme on feuillette un catalogue
de randonnées pour cardiaques : sans danger, sans pic émotionnel,
sans la moindre érection de l’âme.
VII. Les figures de l’oubli
Les personnages secondaires ?
Une bibliothécaire qui sourit
comme une retraitée qui a trop regardé Desperate Housewives.
Un
père évasif comme un slip de bain mouillé.
Un vieil ingénieur
qui aurait pu être passionnant, s’il n’était pas coincé dans
un script qui sent la camomille éventée.
Tout ce petit monde suinte la bienveillance narrative. Mais on est
loin des figures étranges et hantées du premier jeu.
Ici,
personne ne déraille.
Et c’est ça, le problème.
VIII. Remaster, poom poom et pixels polis
Le remaster Switch — Another Code: Recollection —
vient combler la frustration d’une génération d’orphelins du
stylet.
On y retrouve le premier épisode, toujours brillant, et
Another Code R.
Ashley, entre les deux, passe d’ado
triste à milf en devenir.
Sa cuisse est un appel. Son regard,
une plainte. Son short, un manifeste ce qui, disons-le, n’est pas
pour déplaire aux âmes sensibles et perverties que nous sommes.
Et rien que ça, franchement, ça mérite le détour.
Mais
même en HD, même rééclairé, Another Code R reste une
œuvre secondaire.
Belle, douce, mais secondaire.
Comme la
cousine un peu fade qu’on embrasse à Noël parce que la première
option est partie vivre à Londres.
Verdict : 7.5/10
Un jeu qui flotte dans
l’eau tiède de ses ambitions.
Un souvenir prolongé, étiré,
lavé à grande eau sur la pierre du temps.
Touchant mais pas
poignant. Long mais pas profond.
Reste Ashley, belle comme un
oubli qui revient hanter tes nuits, et une poignée de moments
tendres.
Et ce regret étrange, diffus, d’avoir vu quelque
chose mourir doucement à l’écran.
“J’aurais bien voulu qu’on traîne encore un peu ensemble.”
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