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Alt-Minds – Kafka.exe, saison 0
« Je ne pensais pas que je deviendrais si proche de tous ces personnages... »
I. Prologue : les orphelins d’Éric Viennot
On avait cru à une révolution. Après In Memoriam, ce chef-d’œuvre mort-né où tu googlais la vérité à minuit avec la peur d’être observé par un illuminé en col roulé, voici Alt-Minds. Une série interactive. Un jeu en temps réel. Un ARG (Alternate Reality Game, pour les puristes et les stagiaires marketing). Le fantasme de tout nerd dépressif : vivre l’action à l’heure où elle se déroule. Résoudre une enquête avec ton téléphone en guise de loupe et ton adresse IP comme badge du FBI. Un Cluedo 2.0. Un Lost qui t’appelle pendant le dîner. Un 24h Chrono où Jack Bauer, c’est toi. Sauf que là, Jack est un fonctionnaire roumain au chômage technique, et les terroristes sont joués par des intermittents qui hésitent entre la Comédie-Française et un escape game Picard sponsorisé par Conforama.
Bienvenue dans l’avenir du divertissement… tel qu’imaginé par des boomers fascinés par Google Earth.
II. Scénario : La Disparition selon Lidl
Tout débute par une vidéo amateure. Floue, tremblante, dramatique comme une diapo de mariage. Des étudiants disparaissent en Ukraine. Ils bossaient pour la Fondation Alvinson, une ONG fictive manifestement financée par les chutes de budget de Envoyé Spécial. Soudain, panique. Tu reçois un message. Ton téléphone vibre. Une notification : « aide-nous ». Et là, tu dis oui. Tu veux y croire. Tu veux sauver ces gueux post-ados.
Mais très vite, ça part en vrille. Tu te retrouves à chercher un code sur un site web des années 2000, à analyser des vidéos où un acteur semble lire son texte depuis l’intérieur d’un aquarium, à déchiffrer des e-mails si creux qu’on dirait les notes vocales d’un stagiaire en communication.
Et puis surgit le paranormal. Boum. Comme un prêtre gnostique dans une boîte échangiste. Des symboles, des sectes, des délires sur la conscience universelle, un artefact mystique et des dialogues écrits sans talent L’enquête initiale ? Elle se noie dans le fond de la cuvette avec le reste de ta crédulité.
III. Personnages : Sims en crise d’identité
Ils ont des prénoms, des cheveux, des profils. Mais pas d’âme. Ni d’intérêt. Ni d’épaisseur. Ni de texte, à vrai dire.
Un geek à lunettes, une blonde angoissée, un brun mystérieux, un Balkanais torse nu avec une chaîne en argent… C’est plus Secret Story que X-Files. Tu ne les aimes pas, tu ne les détestes même pas. Tu les ignores, comme les publicités YouTube ou les souvenirs gênants du collège. Leur seul trait commun : une propension dramatique à te supplier de les aider comme si tu étais leur psy, leur mère, et leur seul espoir. Et toi, tu restes là, sur ton canapé, à leur crier « mais appelle la police, bande de loques ! ».
IV. Les énigmes : Kafka avec un compte Gmail
Chaque jour, vers 18h, le rituel : un épisode, une énigme. La cloche sonne, tu quittes ta vie pour redevenir l’enquêteur. Et là commence l’humiliation quotidienne :
Localiser un point sur une carte. Un pixel de trop ? Game over, Sherlock.
Taper un mot de passe. Majuscules requises, accents exigés, virgules létales.
Chercher une info sur un site planqué dans les catacombes du web. Si t’as pas fait Polytechnique ET un master en archivistique soviétique, tu pleures.
Rater. Rater encore. Te faire insulter par un robot juge. Et perdre des points. Car oui, il y avait un classement. Dans un jeu d’enquête collaboratif. Un classement.
Un leaderboard. Dans un jeu d’enquête coopératif. Comme si tu chronométrais des enfants en train de lire Chair de Poule. Résultat : ambiance de concours canin, triche à gogo, solutions postées en ligne avant même que le SMS d’alerte soit envoyé. La communauté s’est transformée en meute paranoïaque et méprisante. L’esprit d’équipe ? Dissous dans l’acide sulfurique de la compète débile.
Et si tu avais le malheur d’avoir une vie — boulot, enfants, gastro — les énigmes t’attendaient pas. T’étais puni. Spoilé. Humilié. Le robot validateur te crachait à la gueule parce que t’as mis "archéologue" sans accent, ou que t’as écrit "Kiev" au lieu de "Kyïv".
V. Les lieux : Limoges simulateur 2012
Tu voyages dans Alt-Minds. Enfin… tu regardes des fonds flous. Ukraine, France, Allemagne peut-être, ou juste l’arrière-cour d’un hangar dans le Val-d’Oise. Le mystère plane. Tout est gris, tout est sale, tout est hors-sujet. Un hôtel lugubre, une ruelle déserte, un bunker : les décors changent mais l’ennui reste. On est loin des fulgurances visuelles d’un True Detective ou même d’un NCIS moldave. Ici, chaque lieu est une carte postale humide envoyée par un employé en tourisme industriel.
VI. Épilogue : Tristesse et kleenex numérique
Et puis tout s’arrête. Brutalement. Les serveurs ferment. L’appli disparaît. Les vidéos sont inaccessibles. Pas de version disque. Pas de support physique. Pas de seconde chance. Alt-Minds devient un souvenir périssable, une relique immatérielle, un souvenir numérique rangé entre les sextos ratés et les spams de 2008. Un ARG à usage unique. Un kleenex interactif à 15 balles. Un échec aussi beau qu’inutile. Comme apprendre à faire du monocycle dans une station-service en feu.
C’est triste. Parce que l’idée était là. Belle. Audacieuse. Un média vivant. Une narration en temps réel. Une hybridation touchante entre série, jeu, et auto-sabotage industriel. Mais tout est tombé : scénario vaseux, réalisation flinguée, technologie punitive, acteurs en mode plan B. Un bide total. Un rêve brisé, recyclé en PDF et enterré sous une avalanche de bugs.
Verdict : 3.5/10
Parce que c’était une bonne idée. Parce qu’on aurait voulu y croire. Parce que c’était audacieux, sans budget, sans avenir. Mais c’est aussi mal joué, mal codé, mal pensé. Une illusion de liberté dans une prison de pixels. Et parce qu’un ARG que tu peux plus rejouer, c’est comme un film dont on brûle la pellicule après la première séance. Du gâchis. Du foutage de gueule. Une trace brumeuse dans l’histoire du jeu vidéo, comme un pet d’esprit coincé dans les interstices du web 2.0.
« Vous pourrez devenir à votre tour un héros de l’histoire… »
Mais pas deux fois.
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