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Prototype – Guerre, mémoire et champignons vénéneux : journal d’un mime contaminé
"The last person responsible for all of this dies tonight."
I. Le carnaval des pustules
Prototype est laid. Pas laid comme une fresque de Jérôme Bosch où grouillent les damnés — non. Laid comme un string léopard sur un octogénaire qui jogge. C’est le règne du gris, du flasque, de la texture qui bave et des polygones qui fondent comme des glaces dans un four à pizza. Mais une voix grésille dans l’oreillette : “C’est normal, c’est un open-world.” Ah. Alors tout va bien. La laideur a un visa touristique.
Et puis, malgré la mocheté qui s’infiltre jusque dans les gencives, le jeu a une identité. Une ambiance. Une odeur, même. Celle du cuir brûlé, du latex militaire et du sang contaminé. Mercer, le héros, n’aide pas : silhouette de tueur Uber Eats en fin de tournée, regard de poisson mort et voix d’aspirateur à l’agonie. Il est froid, glacial, chirurgical. Il découpe des tanks à mains nues avec la grâce d’un boucher cocaïné. Le style avant tout. Même si c’est le style "je pue".
II. Mercer, l’Homme aux Mille Verrues
Alex Mercer n’est pas un homme. C’est un concept. Une tumeur mobile. Une réponse biologique à la question : “Et si le Blob faisait du parcours ?” Il peut bondir sur des immeubles comme un kangourou sous acide, éclater des hélicos comme des mouches sur le pare-brise, et faire jaillir de son dos des griffes, des fouets, des masses, des boucliers, des lames, des tentacules — bref, tout un dictionnaire des maladies vénériennes.
Mais surtout, il peut devenir les autres. Les avaler. Les pomper par tous les pores pour en copier l’ADN, la mémoire, la moustache, l’odeur de slip. Un mime morbide. Un imitateur au scalpel. Le plus bel hommage involontaire à John Carpenter depuis The Thing.
Et pour débloquer ses pouvoirs ? Rien de neuf sous le soleil radioactive : on cumule de l’ADN, on échange contre des compétences. Une boutique de super-pouvoirs façon jeu de rôle light. *“Saute plus haut” pour 50 XP. *“Fais jaillir des couteaux de tes avant-bras” pour 100. C’est maigre, mais ça remplit l’assiette.
III. Manhattan en phase terminale
Prototype nous propulse dans un New York décadent, cloqué, suintant. Chaque rue est une blessure ouverte. Chaque carrefour, un chancre purulent. Il y a les zones militaires, où l’ordre sent la pisse froide. Les quartiers infectés, où le sol grouille comme un steak tartare oublié sous le lit. Et les rares ruelles "neutres", où Mercer court comme une chèvre lunatique poursuivie par un drone.
On visite Times Square, Central Park, Penn Station. Mais ces lieux n’existent plus que comme des souvenirs corrompus d’une carte postale trempée dans du sang de porc. Tout est sale. Tout est hostile. Tout est vide.
Et pourtant, on y répète les mêmes tâches : tuer des militaires. Détruire des nids d’infectés. Courir après une cible comme un caniche après une saucisse. Rebelote. Encore un nid. Encore un hélico. Le tout culminant souvent par un contre-la-montre en vomissant ses tripes dans le ciel pour atterrir pile sur un point lumineux au sol. Le gameplay a le goût d’un buffet chinois de lendemain de fête : tout est tiède, sucré, identique.
IV. Le tank, ce dieu païen
La difficulté de Prototype ? Une équation au pifomètre. Une loterie sadique. Soit tu marches sur le jeu avec les yeux fermés, le pad dans les fesses, où même Dina de The Last of Us et Christopher Moltisanti des Soprano pourraient finir un niveau en jouant avec leur tarin. Soit tu recommences vingt fois une mission parce que deux hélicos décident que ton existence est une offense à leur rotors.
Et le pire ? Le jeu te vend un héros invincible, une créature divine, un fléau de la nature... mais la meilleure solution pour s’en sortir, c’est de piquer un tank. Oui. Monter dans un bon vieux blindé et tirer jusqu’à ce que la ville n’ait plus que des ruines. L’infiltration ? L’élégance ? La puissance organique ? Non. Tank. Tir. Boom. Fin. C’est comme jouer à Assassin’s Creed et finir chaque mission en tractopelle.
V. Souvenirs enfouis et flatulences narratives
Le cœur narratif de Prototype n’est pas déplaisant. Un complot militaire. Une épidémie. Des laboratoires secrets. Des expérimentations sur l’humain. De la trahison à la louche. Du sang, des rats, des tubes. Mais ce qui nous tient en laisse, ce sont ces fragments de mémoire, ces souvenirs volés, que Mercer collecte en absorbant des silhouettes précises. Chaque esprit ingéré livre une scène, un indice, une pièce du puzzle. Et tout cela se compile dans une arborescence mentale, sorte d’arbre généalogique de l’horreur.
Ce passé, éclaté, puzzle paranoïaque, intrigue. Il donne une épaisseur que le présent refuse obstinément. Car les missions principales ? Du pet scénaristique. Du remplissage testiculaire. Elles n’existent que pour justifier les sauts et les explosions.
VI. Prototype, ce bâtard aux dents longues
Prototype est une erreur de jeunesse. Un jeu adolescent, boutonneux, qui éructe de la bile et se masturbe sur ses tentacules. Il veut choquer, il veut défouler, il veut séduire. Mais il bave plus qu’il ne mord.
Et pourtant, dans ce foutoir pixelisé, on sent une volonté. Une idée. Un embryon de truc. Ce pouvoir de voler les visages. Ce Manhattan grotesque. Cette identité visuelle crado. Ce héros silencieux, gluant, sociopathe, qui pourrait être votre voisin ou votre psy ou votre ex.
Prototype, c’est un prototype. Un truc pas fini. Un jeu qui a de la personnalité, mais aucune maîtrise. Une hallucination dirigée par un stagiaire sous speed. Et parfois, c’est tout ce qu’on demande.
Verdict : 6/10
Un monde ouvert tout en gerbe, des missions à la chaîne comme un hangar à hémorroïdes, une difficulté écrite par un enfant possédé… mais aussi une ambiance, une idée, un concept gluant qui colle à la mémoire. Prototype, c’est un gel capillaire pour mutant : inefficace, poisseux, mais inoubliable.
"Penn Station was ground zero."
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