Test Metal Gear Rising Revengeance

Test The Walking Dead

The Walking Dead Telltale me ment, donc j’existe


« — Hey. Lee. You know how to pick a lock, right ?
— No ! Why would you say that ?
— Well, you're... you know, urban ?
— Oh, you are not saying what I think you're saying.
— Jesus, man ! I'm from Florida ! Crazy shit just comes out of my mouth sometimes. Sorry. »

I. Dieu est mort, et il marche encore

L’introduction est biblique. Lee Everett, universitaire noir à la voix suave comme un jazz de fin de beuverie, est menotté à l’idée même de rédemption. Il part en taule, tranquillement, dans une voiture de flic conduite par un Boomer qui philosophe comme Pascal. Et puis bam, un zombie vient s’écraser sur le pare-brise comme une mouette bourré, le véhicule fait un triple salto dans un fossé, le flic se brise la nuque dans un bruit de chips, et vous êtes libre. Libre ? Non. Vous êtes dans The Walking Dead, et ici la liberté sent le vomi, la sueur, et la poudre noire.

C’est là que surgit Clementine, créature divine en casquette, plus lucide qu’un trader cocaïné devant une bulle spéculative. Elle vit dans une cabane, parle comme une adulte, et a vu plus de morts que la grippe espagnole. Vous devenez son tuteur improvisé. Le duo est né : Lee, le pécheur repenti, et Clem, l’enfant sacrée. Un buddy movie entre un pédagogue armé et une fillette traumatisée, le tout scénarisé par le fantôme de Sophocle.


II. Voyage au bout de la crasse humaine

Les lieux traversés suintent la mort, la peur, et le décor en carton-pâte. Une ferme pleine de secrets cannibales comme dans un épisode de C’est pas sorcier : spécial Hannibal Lecter. Une supérette barricadée où les conserves sont plus précieuses que les vies humaines. Un train perdu dans une Amérique qui ne va plus nulle part, ni vers Dieu, ni vers Disney World. Et Savannah, ville-cadavre, mouroir urbain, putain d’illusion de sécurité.

C’est là que la galerie de l’humanité défunte se donne en spectacle :
Kenny, redneck moustachu au cœur d’or et à l’odeur d’huile de moteur rance. Son fils Duck, le seul enfant capable de confondre un cerf avec un grille-pain. Katjaa, maman flamande, douce et brisée, qui finira par se faire hara-kiri sur l’autel de la douleur.
Lilly, dictatrice de poche, mi-Marine, mi-mère fouettarde, toujours prête à faire régner l’ordre au nom de la paranoïa. Son père, ex-criminel de guerre sous testostérone, explose comme une pastèque sous pression, dans une scène plus jouissive qu’un orgasme anal après trois mois de jeûne.
Glenn ? Présent. Inutile. Clin d’œil à la série télé pour fans constipés. Il disparaît vite, comme votre envie de continuer Fear the Walking Dead après le deuxième épisode.

Capture d'écran de Walking Dead Telltale conversation entre Lee et Kenny



III. La dictature du choix ou l’art du double-fisting moral

Telltale vend du choix comme Macron vend de la réforme : en vitrine, ça brille ; dedans, c’est du flan. On vous fait croire que chaque décision compte, que chaque vie sauvée ou sacrifiée pèse sur le cours de l’histoire. Mensonge. Le jeu est une horloge suisse : tout est prévu, tout est écrit. On vous demande : “Tu préfères sauver Carley, la journaliste armée jusqu’aux ovaires, ou Doug, l’ingénieur en informatique, gros puceau mais doué avec les circuits imprimés ?”
Et vous, petit pervers vidéoludique, vous choisissez Carley, bien sûr. Parce qu’elle vous regarde. Parce qu’elle sait tirer. Parce qu’elle a des lèvres.
Et Doug ? Il meurt, comme une ligne de code obsolète.
Mais quelques chapitres plus loin, twist !, Carley meurt aussi.
Rien n’a changé. C’était du théâtre. Du beau théâtre. Du Shakespeare avec des crocs.


IV. Le point’n’click des larmes

Ce qui distingue ce Walking Dead de l’énième AAA pour ados désaffectés, c’est l’émotion. La vraie. Celle qui vous ronge, vous habite, vous pourrit. On ne joue pas à ce jeu. On s’y attache comme à un chien malade : on sait qu’il va mourir, mais on l’aime quand même.

Le gameplay ? Un menu déroulant de souffrance. Vous cliquez sur un dialogue. Vous faites un QTE pour taper un zombie avec une clé anglaise. Vous paniquez. Vous pleurez. Vous attendez. Ce n’est pas de la stratégie, c’est de la survie. Et chaque regard échangé avec Clementine est une balle dans le foie. Elle apprend. Elle écoute. Elle juge. Elle devient plus qu’un personnage : elle devient la chose la plus précieuse que vous ayez jamais eue dans un jeu vidéo.

La scène finale est une mise à mort psychologique. Lee, amputé, agonisant, vous supplie presque de finir l’histoire. Et Clementine, cette enfant que vous avez façonnée entre deux exécutions, doit appuyer sur la gâchette.
Et vous, derrière votre écran, vous pleurez. Comme une merde.

V. 400 Days : patchwork de morts-vivants et de vivants déjà morts

Évidemment que je ne l’ai pas acheté. Il était là, planqué dans l’édition complète, comme une verrue offerte avec votre slip neuf. 400 Days, c’est l’épisode complémentaire, la parenthèse foutraque, le carnet de croquis du désespoir. Un jeu d’histoires courtes, éclatées, déconstruites, balancées dans le désordre comme un paquet de chips vidé dans une mare de sang.

Cinq récits. Cinq hérauts de l’agonie.
Vince, le taulard philosophe, qui doit décider qui cramer sur le trajet.
Wyatt, le nerd fumeur de weed qui s’échappe d’un accident dans le brouillard, poursuivi par l’Amérique profonde armée jusqu’aux dents.
Shel, ex-serveuse devenue despote maternelle dans un diner post-nucléaire.
Bonnie, junkie repentie engluée dans un soap rural malaisant.
— Et surtout Russell, gamin en route vers la mort, qui tombe sur Nate, le redneck psychopathe le plus flippant de tout l’univers zombie. Nate, c’est le Mal. Le Mal en claquettes. Il tue, rit, parle de cul, et s’essuie la bouche avec la Constitution. Il mérite un spin-off, une statue, une ordonnance restrictive.

Tout ce petit monde finit par converger vers un camp. Certains suivent une voix, d’autres la fuient. Et dans la Saison 2, on retrouve une poignée de ces âmes brisées, avalées par la secte agricole de Carver, ce Pol Pot de la permaculture.

Ce DLC est un patchwork réussi. Sombre, drôle, dérangé. Il ne sert à rien, donc il est vital.


Verdict : 9/10

Un chef-d’œuvre d’illusion interactive, un chef-d’œuvre tout court.
Telltale transforme le mensonge en art, le faux choix en tragédie, et vous, en joueur bouleversé, en père symbolique, en martyr numérique. Ce n’est pas un jeu : c’est un enterrement. Le vôtre.

« You’ll be okay. »

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