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The Last of Us – Élégie Fongique pour Deux Cœurs Putréfiés
« Oh. Why are these all stuck together ? »
Prologue
Je partais déjà les crocs serrés, prêt à vomir un litre de bile sur le bitume encore tiède de mes désillusions vidéoludiques. Encore un monde post-apocalyptique — la Terre façon caniveau, couverte de mousse et de cendres. Encore des infectés — des zombies avec une excuse fongique, histoire de rester tendance chez les mycologues. Encore Naughty Dog — les mecs qui ont donné une âme à un marsupial attardé et du charisme à un Ken gonflé aux hormones de synthèse (Uncharted, ou le blockbuster qu'on oublie plus vite qu’un orgasme devant un porno).
Bref, j’étais prêt à détester.
Et puis The Last of Us est arrivé.
Et j’ai fermé ma gueule.
I. Vingt Ans de Solitude
Tout commence dans un Texas moite, huileux, suintant de drapeaux et de fusils. Joel, homme-bûcheron taillé à la hache dans un tronc de douleur, perd sa fille. Le monde s’effondre. Vingt ans plus tard, il survit à l’image d’un chien galeux dans un abattoir. Il tue, troque, renifle l’odeur des clopes froides et du sang séché.
Et puis Ellie entre.
Ellie : sarcasme, insolence, regard de
louve et humour noir qui tache comme du chianti sur une robe de
mariée.
Ellie : immunisée, insolente, inoubliable.
Un
road trip commence, et ce n’est pas Easy Rider — c’est
La Route de Cormac McCarthy, réécrite à la grenade et à
la bouteille vide. On traverse l’Amérique comme on traverse un
deuil non fait. Pittsburgh, Salt Lake City, Jackson : ruines et
silence, béton fissuré, nature qui repousse, et au milieu, deux
âmes qui réapprennent à respirer sans hurler.
Le gameplay épouse cette douleur. Infiltration lente, artisanat de bric et de broc, combat désespéré. On étrangle, on poignarde, on lance des bouteilles comme on lancerait des SOS depuis un radeau de fortune. Et à chaque geste, un frisson, une tension, une violence sourde qui rappelle qu’ici, vivre est déjà une forme de barbarie.
Mais la vraie beauté du jeu est ailleurs.
II. Le Cœur est un Mensonge qui Saigne
La claque, la vraie, ce n’est pas l’ambiance. Ce n’est pas les infectés. C’est Joel et Ellie. Leurs regards, leurs silences. Une relation qui ne s’écrit pas dans les dialogues, mais dans les non-dits, les demi-soupirs, les mains qui tremblent. Ils ne se parlent pas. Ils se reconnaissent. Deux êtres fracassés par la vie, que seule la douleur lie, comme deux tessons de bouteille qu’un accident a soudés.
Joel n’est pas un héros. C’est un salaud, un père en deuil,
une bête blessée.
Ellie n’est pas une élue. Elle est seule,
drôle, forte, brisée.
Et ensemble, ils inventent quelque chose
d’indéfinissable, d’impur et de nécessaire.
La fin est un coup de poing dans les ovaires de l’espérance. Un mensonge, petit, mesquin, magnifique. Et soudain, le joueur comprend : il ne joue pas un sauveur. Il joue un homme. Donc un loup.
III. Pédophiles, Cannibales et Champignons en Fleurs
On croise la lie de l’humanité : des clochards cannibales, des militaires fascistoïdes, des bandits qui vendraient leur grand-mère pour une boîte de thon. À côté d’eux, les infectés paraissent presque doux, comme des cousins mutiques à l’haleine chargée.
Les Clickers crient comme des cochons qu’on égorge. Les Bloaters libèrent des spores comme des prêtres ivres vomissant l’encens. Et au-dessus de cette ménagerie grotesque, les vrais monstres : les hommes. Le pédophile au regard de pasteur, le père de famille devenu hyène, les groupes de survivants plus toxiques qu’un forum Reddit sur la virilité.
Et pourtant, c’est sublime.
Un zoo dévoré par la
végétation. Une fac rongée de silence. Un barrage devenu utopie.
Le monde meurt, oui. Mais il meurt avec élégance. The Last of
Us, c’est une apocalypse qui a lu Baudelaire.
IV. Ellie, ou l’Émancipation par l’Arbalète
Puis, on incarne Ellie.
Et là, le jeu bascule. La peur
change de camp. L’ado devient fauve. Elle ne survit pas : elle
s’arrache à l’enfance, elle bouffe le monde à dents nues.
Face
à elle : des hommes adultes, armés, violents, baveux.
Et elle
les égorge un par un.
Le gameplay devient rite initiatique. Chaque flèche plantée est un baptême. Chaque furtivité réussie est une déclaration de guerre à l’univers. C’est bref, mais c’est incandescent.
V. Remasters : Variations sur un Cunnilingus Capitaliste
Trois versions. Trois.
À croire que ce jeu est le Citizen
Kane de la PlayStation. À chaque fois, un peu plus de pixels.
Un peu plus d’ombres. Un peu plus de réalisme dans les poils de
nez de Joel.
Mais enfin, mes cocos… Ce n’est pas La Joconde. C’est
un jeu.
Le seul intérêt de ces éditions platine, c’est
qu’elles incluent le DLC. Sinon, c’est du
tartinage de Nutella sur du pain de mie déjà digéré.
Et je ne paie pas pour des DLC.
Je ne suis pas une escort
narrative.
Il n’y a que Kojima qui a le droit
de me sodomiser à 30€ les vingt minutes (Ground Zeroes,
arrache-moi encore).
Et Ueda aussi, mais lui il le ferait
en silence, avec un foulard de soie et des larmes dans les yeux.
VI. Left Behind : Le Cliché Derrière le Baiser
Left Behind, donc. Le moment où Neil Druckmann sort le carnet rose de l’inclusivité, édition Pinterest.
On découvre comment Ellie s’est fait mordre. Elle flirte avec une copine métisse. Et bien sûr, elles s’embrassent. Parce que pourquoi pas. Et là, les guirlandes tombent du plafond, les fanfictions Tumblr prennent feu, et Naughty Dog coche toutes les cases : lesbienne ? Oui. Racisée ? Oui. Handicapée ? Pas encore, mais on y croit.
Et tout ça après avoir géré si finement la question dans le jeu principal : un magazine porno gay, trouvé au hasard, un éclat d’identité dans la poussière. Là, tout est souligné au Stabilo woke, avec néon rose et lubrifiant marketing.
Le DLC reste joli, mais creux. Une scène d’arcade touchante. Une morsure attendue. Un adieu qui aurait pu être un murmure, mais qu’on a transformé en spot Apple.
Verdict : 10/10 – Une Élégie pour Deux Êtres Perdus
The Last of Us n’est pas un jeu. C’est un deuil
interactif.
Une lettre d’amour à la douleur.
Un poème
en cendres, écrit à la machette.
C’est l’histoire d’un
monde qui meurt, mais qui trouve encore, dans l’agonie, la force de
chuchoter : je t’aime.
Et cette histoire, on ne
l’oublie pas. On la garde dans les tripes, comme une lame oubliée.
« How… how the hell would he even walk around with that thing ?»
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