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L’Amerzone : Le Testament de l'Explorateur – La fable humide d’un journaliste maudit, d’un œuf sacré et d’un continent moite
« Ramenez l'œuf des oiseaux blancs en Amerzone je vous en prie ! »
I. Premier envol de Sokal, dernier souffle du vieux
Avant Syberia, avant Kate Walker et ses puzzles dans des stations
balnéaires soviétiques, il y eut L’Amerzone.
Le
premier jeu de Benoît Sokal.
Le premier envol du dessinateur
vers l’interactif, et la fondation spirituelle de son studio. Un
coup d’essai, mais pas un coup dans l’eau — même si de l’eau,
il y en aura beaucoup, croyez-moi.
Vous incarnez un journaliste.
Oui, un putain de journaliste.
Pas un espion, pas un
archéologue, pas un yakuza bodybuildé. Un journaliste.
Le
héros parfait pour incarner ce que vous êtes réellement : un
touriste maladroit, qui ne sait ni lire une carte ni retenir un nom.
Et comme tout bon héros de jeu d’aventure : vous portez la
mort.
À chaque fois que vous approchez un PNJ, il
crève.
Silencieusement. Tragiquement. Avec l’élégance d’un
script mal chronométré.
À croire que vous avez Foxdie,
comme Solid Snake, mais en Colissimo.
II. Ce n’est pas Broken Sword : ici, on ne discute pas, on explore en silence
N’espérez pas papoter avec de charmants Français à moustache
ou draguer une journaliste en ciré.
L’Amerzone n’est
pas un jeu de dialogues.
C’est un jeu de solitude, de mousse,
de brouillard et de végétation vaginale.
Une immersion en vue
subjective, façon Myst, avec clics figés et panoramas à
360°, parfaits pour vous désorienter.
Et comme j’ai le sens
de l’orientation d’une femme en virée IKEA (je cite, je ne
juge), j’ai passé la moitié du jeu à tourner en rond dans une
jungle dessinée au Stabilo.
Je hais la vue subjective.
Je
veux voir mon avatar.
Je veux voir sa démarche, sa veste, sa
bite.
Mais L’Amerzone, lui, vous dit non : tu es toi,
tu es seul, tu es perdu.
III. Des énigmes hydrauliques et des inventions stupides
Vous avez un véhicule.
Un engin improbable.
Un
croisement entre une baignoire, un moulin à vent, un rêve de Jules
Verne et une Vespa.
Et ce machin, il faudra le transformer :
—
en avion,
— en sous-marin,
— en bateau,
— en
canoë,
— et, qui sait, en sex-toy pour dinosaures siffleurs.
Vous devrez aussi souffler dans des troncs pour appeler des
créatures aquatiques, manipuler des valves, redémarrer des moteurs,
et fouiller des documents jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Tout
le lore passe par la lecture.
Des carnets, des lettres, des
confessions.
L’Amerzone se mérite. Il se lit. Il se
digère.
C’est un jeu pour ceux qui aiment les énigmes avec
du carburant et de la poésie crasse.
IV. Deux blancs, un œuf, et un continent dans le cul
C’est peut-être ça, le vrai sujet.
Le journaliste, l’œuf,
tout ça, c’est l’habillage.
La réalité, c’est la
critique acerbe de la colonisation.
Deux blancs, un local.
Trois intrus.
Deux occidentaux persuadés que la jungle les attendait pour devenir civilisée.
Le premier : vole un œuf sacré et baise une indigène.
Le
deuxième : tente de convertir les autochtones à Jésus, entre deux
cas de dysenterie.
Le troisième : devient dictateur, impose le
progrès, remplace les feuilles de bananier par du PQ triple
épaisseur.
Un cauchemar d’anthropologue.
Une version
jouable de Heart of Darkness, mais avec moins de fusils et
plus de grenouilles géantes.
V. Une fin sans fanfare, un songe humide, une récompense muette
Et puis arrive la fin.
Pas d’explosion.
Pas de grand
méchant à battre.
Juste un œuf rendu. Un cycle qui
recommence. Une cinématique douce et belle, comme une éjaculation
dans un bain d’huiles essentielles.
L’Amerzone vous dit au
revoir sans vous remercier.
C’est vous qui avez appris.
Le
jeu, lui, vous a toléré.
VI. Le remaster à 40 euros ? Allez chier dans la jungle
Et maintenant, le remaster.
Quarante euros pour du démat.
Une
version HD de ce périple végétal.
Mais pourquoi ?
Pourquoi
souiller ce souvenir, pourquoi greffer des textures 4K sur une poésie
de brume et de pixels ?
Laissez-le dormir, ce jeu de
1999.
Jouez-y sur votre vieux PC, un dimanche pluvieux, une
tisane à la main.
Laissez l’Amerzone tranquille.
Il ne
vous a rien demandé.
Verdict : 8/10
Une œuvre imparfaite,
étrange, souvent absurde, parfois ennuyeuse, mais fondamentalement
honnête.
Un jeu qui ne cherche pas à vous séduire.
Qui
vous laisse le droit de le haïr.
Et qui, malgré lui, vous
touche.
L’Amerzone n’est pas un chef-d’œuvre.
Mais
c’est une expérience.
Et parfois, c’est largement
suffisant.
« J’ai voulu faire le bonheur des gens malgré eux… »
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