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In Memoriam — Le jour où le jeu vidéo t’envoya un mail anonyme pour te parler de Giordano Bruno
« Tu veux avoir des nouvelles du Polonais, c'est ça ? Comme tu as été bien sage tu as droit à une petite récompense... Et si je te donnais des bouts de son journal filmé ? Je suis sûr que ça va te plaire. Tiens, regarde... »
I. Un cadavre, un CD-Rom, et des cendres de cerveau : l’art du crime interactif
Un journaliste nommé Jack Lorski disparaît. Littéralement
évaporé, comme une capote dans un jacuzzi.
La police piétine,
son encre sèche.
Et dans un élan de désespoir bureaucratique,
elle distribue un CD-Rom au peuple — à vous, à moi, à
grand-mère.
Dedans ? Un montage glauque. Des fragments de
journal filmé. Une voix off de tueur. Des énigmes cryptiques.
L’invitation d’un taré qu’on surnomme « Le Phénix ».
Et là, tout commence.
Bienvenue dans In Memoriam, l’un des jeux les plus brillants, dérangeants et fascinants de tous les temps, et qui, bien sûr, n’existe plus. Une œuvre maudite, aussi évanouie que les os de Bruno, ce mystique cramé vif pour avoir trop pensé.
II. Le Phénix : serial killer ou prof d'histoire frustré ?
Ce n’est pas un meurtrier classique. Ce n’est pas Jason qui découpe du campeur. Ce n’est pas Freddy qui gratte des gorges comme des vinyles.
Non. Le Phénix, lui, cite Giordano Bruno.
Il parle en
latin.
Il pose des énigmes codées.
Il s’exprime par
paraboles alchimiques et vidéos anxiogènes filmées dans un
cimetière polonais en VHS.
Un tueur érudit, mystique,
illuminé. L’enfant bâtard de Zodiac et d’Umberto Eco. L’un
des rares antagonistes de jeu vidéo qui, au fond, te regarde
vraiment.
Et c’est vous, le joueur, qui l’affrontez. À armes inégales, avec Google comme seule matraque.
III. Un jeu qui infiltre votre monde comme un cheval de Troie
Car In Memoriam, ce n’est pas un jeu. C’est un virus. Une expérience.
Vous lancez le CD. Vous suivez les vidéos. Et rapidement, on vous
demande de faire des recherches.
Pas dans le jeu. Dans la
vraie vie.
Vous tapez des noms. Vous cherchez des symboles. Vous traduisez du
sanskrit. Vous jouez à un casse-briques chelou pour débloquer une
phrase du journal de Jack Lorski.
Des sites web ont été créés
pour l’occasion, parfaitement crédibles, parfois soutenus par de
vrais partenaires (Le Monde publia un faux article sur la
disparition de leur confrère).
Et puis, les e-mails arrivent.
Vrais. Faux. Scriptés.
Mystérieux.
Certains viennent du Phénix.
D’autres de
l’équipe de développement.
D’autres encore semblent
n’avoir aucune source, comme si le jeu avait pris conscience de
votre présence.
In Memoriam n’est pas qu’un jeu à énigmes. C’est une tentative d’invasion mentale. Une manière de vous faire croire, l’espace d’un instant, que vous êtes vraiment là. Vraiment acteur. Vraiment mêlé à l’horreur.
IV. Énigmes, cryptes et café noir : les mille visages du puzzle
Les casse-têtes sont variés. Fous. Inégaux. Brillants.
— Une mélodie à décrypter à l’oreille, comme un détective
daltonien chez Beethoven.
— Des images subliminales à
déterrer dans des vidéos crades.
— Des traductions de
glyphes anciens.
— Des mini-jeux d’arcade bancals, insérés
comme les pubs dans une VHS de 1995.
— Des recherches Google
sur des lieux, des symboles, des mythes, des morts.
Chaque énigme est un pas dans la psyché du tueur.
Chaque
réponse vous rapproche du néant.
Chaque clic est une goutte de
sueur.
Et parfois, une lumière.
Car In Memoriam rend intelligent.
Il vous regarde
penser. Il vous oblige à réfléchir comme un historien
paranoïaque.
Et plus vous progressez, plus vous devenez Jack
Lorski, plus vous êtes Jack Lorski.
V. Le jeu qu’on ne peut plus lancer : le crime parfait
Aujourd’hui, on ne peut plus y jouer.
Les sites ont
fermé.
Les serveurs ont disparu.
Les mails ne partent
plus.
Le Phénix s’est tu.
Et tout ce qui reste, c’est
une boîte en plastique avec un CD mourant, comme une urne numérique
contenant les cendres d’un génie oublié.
Une équipe de fans tenta de ressusciter tout ça.
Mais le
cadavre était trop abîmé.
L’esprit s’était envolé.
L’âme
du jeu — son univers, sa folie, son architecture invisible —
était irrémédiablement dissoute dans les limbes du web 1.0.
VI. Memento Mori : souvenir d’un jeu mort, souvenir d’un chef-d’œuvre
Il y a des jeux qu’on oublie sitôt l’écran noir.
Et
puis il y a In Memoriam, qui vous regarde depuis votre boîte
mail, même vingt ans plus tard.
Un projet d’une audace folle, d’une modernité troublante,
d’une ambition rare.
Un jeu qui brisa le mur entre le joueur
et la fiction.
Un jeu qui, aujourd’hui, hante les mémoires
comme un polaroid moisi de la meilleure idée jamais eue dans le jeu
vidéo.
Si les dieux étaient justes, on en parlerait comme d’Her
Story, Return of the Obra Dinn, ou Outer
Wilds.
Mais les dieux ne sont pas justes.
Ils jouent à
FIFA.
Verdict : 9.5/10
Un ovni. Une merveille.
Une illusion totale. Un cauchemar métaphysique. Un jeu de piste dans
votre propre monde.
In Memoriam est peut-être mort.
Mais vous n’oublierez jamais ce que vous avez vu en y jouant.
« Tu approches du but, Poussin. »
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