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Assassin’s Creed – Le rêve croisé d’un monde ouvert fermé
“You’d kill people simply for believing differently from you ?”
Prologue
Le premier Assassin’s Creed, c’est un peu comme une prostituée de luxe vue de loin : sublime, énigmatique, silencieuse. Et puis on s’approche. Et là, entre deux bugs et trois textures qui bavent, on comprend qu’on a payé trop cher pour un service minimal, certes élégant, mais tout sauf inoubliable. Le jeu vidéo moderne était né : ambitieux, magnifique, creux. Ubisoft en accouchait dans la douleur et sans péridurale.
Et pourtant. Et pourtant, on y revient. Car en dépit de son gameplay fainéant, de son IA atteinte de trisomie chronique, de sa VF digne d’un téléfilm M6 du dimanche, ce premier opus était un monument, un événement, une promesse : celle que l’histoire, la vraie, pouvait devenir un terrain de jeu, que les croisades n’étaient pas qu’un chapitre chiant dans le manuel Nathan, mais un théâtre pour assassins mélancoliques et templiers bien coiffés.
I. Altair, l’assassin originel, premier de cordée en capuche
On incarne Altaïr Ibn-La'Ahad, le seul héros de la saga à ne pas être une caricature de kéké italien, un viking sous testostérone ou un grec à pectoraux huilés façon porche de boîte de nuit. Altaïr ne sourit jamais, ne drague personne, n’est motivé par rien d’autre que la vérité et le devoir, deux concepts morts avec Internet. Il est sobre, élégant, mortel. Un ascète. Une lame vivante. Le contraire absolu d’un joueur de Fortnite.
Sa voix VO, froide et sèche comme une épée en hiver, est écrasée en VF par un doublage sans âme, digne d’un prof de techno dépressif lisant du Corneille. Mais si tu mets ta console en anglais, tu entends enfin les vrais accents, la vraie immersion, et Kristen Bell, qui joue ici avant de se perdre dans des séries à l’écriture plate comme une limande congelée.
II. Jérusalem, Damas, Acre : les cités de la foi et du clipping
Trois villes. Trois cathédrales de pierre numérique. Trois labyrinthes verticaux où le joueur grimpe, saute, s'accroche, tombe, recommence, prie, pète un câble. Chaque cité est reconstituée avec un amour du détail presque fétichiste : bazars en cri, muezzins en boucle, soldats à moustache et érudits déguisés en buissons.
On grimpe sur des tours pour synchroniser la carte comme si on activait un point Wi-Fi du Moyen Âge, on saute dans des bottes de foin plus solides que le code pénal, et on explore un monde ouvert... vide. Vide comme un compte OnlyFans sans nudité. L’architecture est là, mais l’âme ? En option.
III. Le gameplay : infiltration light, baston light, plaisir coupable
L’infiltration, c’est écouter des
conversations caché sur un banc, voler des lettres avec la
discrétion d’un éléphant, ou suivre des gens à 3 mètres sans
qu’ils ne te repèrent jamais, ces crétins à œillères.
Le
combat, c’est un opéra de contre-attaques. Tu restes
planté, tu attends qu’un garde t’attaque, tu appuies sur une
touche et CLAC, tu le tues. Le jeu te flatte. Tu n’es pas
bon, mais tu en as l’illusion. C’est ça le génie. Ce jeu est
ton miroir flatteur, ton filtre Instagram vidéoludique.
Les fuites post-assassinat sont un moment jouissif : tu bondis de toit en toit, tu glisses dans un puits, tu te caches avec des moines qui ne voient pas que t’es couvert de sang. L’IA est bête comme ses pieds. Mais comme elle te rate, tu te sens furtif. Un jeu FromSoftware te traiterait de larve. Ubisoft, lui, te donne l’illusion d’être Ezio avant Ezio. Et ton ego dit merci.
IV. Les cibles, le doute, et Al Mualim : le manichéisme tué dans l’œuf
Le génie discret de ce jeu, c’est ça : tu ne sais jamais si tu as tué les bons. Chaque cible, avant de crever, te parle. Te défie. Te fait douter. Les templiers ont leurs raisons. Altaïr commence à comprendre que sa mission n’est peut-être qu’un jeu d’échecs géopolitique où il est le cavalier à sacrifier.
Et puis il y a Al Mualim, le vieux maître, figure du sage… puis du traître. Un double fond narratif sublime, simple mais puissant, dans la droite lignée des grands manipulateurs philosophiques, entre Dumbledore et Father de Fullmetal Alchemist. Le mec est aussi calme qu’un lac de cyanure, et il t’a baisé depuis le début. C’est le twist qu’on n’attendait pas, et pourtant il était là, sous notre nez.
V. Desmond, l’Animus et les Illuminatis de la startup nation
Tu croyais jouer un jeu sur les croisades ? Raté. Tu joues aussi Desmond Miles, barman new-yorkais qui se réveille dans un lit d’hôpital futuriste et découvre qu’il est la clé génétique pour revivre les souvenirs d’un assassin mort depuis 900 ans. On appelle ça l’Animus, mais ça aurait pu s’appeler “Flashback Simulator”.
Abstergo dirige la danse, multinationale louche façon Google + Da Vinci Code. On devine derrière leurs blouses blanches un complot mondial, des sociétés secrètes, des reliques alieno-chrétiennes. Ça sent le soufre, les Templiers, le sionisme numérique. C’est la conspiration qu’on voulait, bien avant que les QAnon ne viennent tout gâcher.
VI. Les défauts, ces tumeurs bénignes du jeu vidéo moderne
Bugs. Freeze. Gardes qui flottent. Musiques qui se répètent. Quêtes clonées. VF en mousse. Et ce monde ouvert qui n’est en fait qu’un couloir déguisé en place publique. C’est là qu’on voit les premiers signes de la maladie Ubisoftienne, cette tendance à tout étaler sans rien densifier.
Et malgré tout… ça marche. Parce qu’à l’époque, c’était nouveau. C’était next-gen. On y voyait un futur radieux. On ne savait pas encore qu’on allait en bouffer un par an, que ça finirait en RPG mou avec des microtransactions pour débloquer des capuches roses. Le vrai crime, c’est la suite. Pas ce jeu-là.
VII. Un rêve digital, un échec visionnaire, une réussite historique
Assassin’s Creed premier du nom est un paradoxe magnifique : il échoue dans ses promesses mécaniques, mais il triomphe dans ses ambitions artistiques. Il t’emmène ailleurs. Il ose. Il plante une graine. Il t’apprend à tuer pour des idées, puis à douter de tes idées. Et ça, en 2007, c’était énorme.
Verdict : 8.5/10
Un jeu fondateur, imparfait, qui t’embarque malgré lui. Une première pierre jetée dans le torrent du jeu vidéo moderne, qui s’est transformée depuis en avalanche de bullshit. Mais Altaïr, lui, reste. Immuable. Froid. Silencieux. Et magnifique.
“Nothing is true, everything is permitted.”
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